Le secteur du Bâtiment et des Travaux Publics (BTP) en France fait face à des difficultés importantes, menaçant son rôle de pilier économique et social. Les prévisions pour 2025 évoquent une dynamique peu encourageante : une baisse continue de l’activité, notamment dans la construction neuve, et une stagnation des travaux d’entretien et de rénovation. Ce ralentissement est amplifié par un contexte politique marqué par l’instabilité parlementaire et des réformes en suspens, tandis que le secteur rencontre des défis structurels : augmentation des coûts, pénurie de main-d'œuvre et transition énergétique coûteuse. Les conséquences économiques et sociales sont déjà préoccupantes : une perte estimée de 130 000 emplois cumulés d'ici fin 2025, ce qui pourrait mettre en difficulté des milliers d’entreprises et fragiliser les territoires. À l’aube de 2025, cette crise appelle des mesures pour éviter un affaiblissement durable d’un secteur clé de l’économie française.
En 2024, le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) a subi une récession marquée notable :
• Baisse d'activité globale : L'activité a reculé de 6,6 %, illustrant une dynamique de ralentissement généralisée dans tous les segments du secteur.
• Construction neuve en baisse :
☛ Une baisse de 15,6 % dans la construction neuve a été enregistrée.
☛ Le logement neuf, particulièrement touché, a vu ses chiffres chuter de 21,9 %, mettant en péril des pans entiers de la filière.
• Conséquences sociales : Cette récession s’est traduite par la perte de 30 000 emplois, un chiffre révélateur des tensions croissantes sur le marché du travail dans ce secteur essentiel.
Les prévisions pour 2025 montrent un environnement encore plus difficile :
• Nouvelle baisse d'activité prévue: Une baisse d’activité de 5,6 % est anticipée, accentuant la tendance observée en 2024.
• Construction neuve endifficulté :
☛ La Fédération Française du Bâtiment (FFB) prévoit une contraction massive de 14,6 % dans la construction neuve.
☛ Logement résidentiel : Ce segment clé devrait reculer de 14,2 %, sous l’effet combiné de la hausse des taux d’intérêt, du durcissement des conditions de crédit, et de la réduction des aides publiques.
☛ Bâtiments non résidentiels : Un déclin de 15 % est attendu, affectant particulièrement les bureaux, les infrastructures éducatives, et les équipements publics.
• Suppression massive d’emplois : En 2025, le secteur pourrait perdre 100 000 emplois supplémentaires, portant à 130 000 le total des postes disparus en seulement deux ans.
• Effets collatéraux : Ces suppressions d’emplois pourraient entraîner des répercussions sur les territoires déjà fragilisés, notamment en zones rurales et périurbaines où le BTP constitue un pilier économique et social.
• Risques accrus pour les entreprises : Les PME du secteur, qui représentent une large majorité des acteurs, sont particulièrement vulnérables. Les faillites devraient augmenter, mettant en péril des chaînes d'approvisionnement locales et régionales.
La flambée des coûts constitue une problématique centrale pour le secteur du BTP en France, exacerbée par une combinaison de facteurs globaux et locaux. Les matériaux essentiels à la construction, tels que le ciment, l'acier, le bois ou encore les matériaux composites, ont vu leurs prix grimper de manière spectaculaire depuis 2020. Cette hausse est liée à plusieurs éléments :
• Perturbations des chaînes d’approvisionnement : Les retards dans le transport maritime, les pénuries de conteneurs et les restrictions imposées par la pandémie ont entraîné une hausse des frais logistiques, qui se répercute directement sur les coûts des matériaux.
• Conflits géopolitiques : Les tensions internationales, notamment la guerre en Ukraine, ont perturbé l’approvisionnement en matières premières comme l’acier et l’aluminium. Les sanctions imposées à certains pays fournisseurs ont également contribué à réduire l’offre et à augmenter les prix.
• Inflation générale : La hausse des coûts de l’énergie, principalement de l’électricité et du gaz, a impacté les processus de production des matériaux de construction, ajoutant une pression supplémentaire sur les entreprises.
Conséquence directe : les marges des entreprises se réduisent, en particulier pour les petites et moyennes entreprises (PME), qui disposent de moins de trésorerie pour absorber ces coûts. Cela freine leur capacité à investir dans de nouveaux projets ou à moderniser leurs infrastructures, créant ainsi un cercle vicieux d’inefficacité et de stagnation.
La construction neuve, qui a historiquement représenté le fer de lance du BTP en France, est aujourd'hui en pleine crise. Les données récentes montrent que les mises en chantier ont chuté à un niveau historiquement bas en 2024, avec une baisse de 21,9 % dans le logement neuf.
Plusieurs facteurs expliquent cette tendance :
• Hausse des taux d’intérêt : L’augmentation des taux directeurs par la Banque centrale européenne (BCE) pour juguler l’inflation a entraîné une hausse des taux de crédit immobilier. Cela rend l’emprunt plus coûteux pour les ménages, décourageant l’achat de biens immobiliers neufs.
• Resserrement des conditions de crédit : Les banques, soucieuses de minimiser les risques, ont durci leurs critères d’octroi de prêts. Ce phénomène pénalise particulièrement les primo-accédants et les investisseurs.
• Manque de dynamisme du marché locatif : Les rendements locatifs ne sont plus suffisamment attractifs pour inciter les investisseurs à construire ou à acquérir des logements neufs, notamment dans les zones tendues où les plafonds de loyers limitent leur rentabilité.
• Coûts de construction prohibitifs : Comme évoqué précédemment, la hausse des coûts des matériaux et de l’énergie a également impacté le prix de revient des logements neufs, augmentant de 15 % à 20 % sur certaines opérations.
Cette contraction a des répercussions importantes : non seulement sur les entreprises de gros œuvre, mais aussi sur l’ensemble de la chaîne de valeur du BTP. Les promoteurs immobiliers reportent ou annulent de nombreux projets, privant ainsi le secteur de chantiers indispensables pour maintenir son dynamisme économique.
La crise politique en France, marquée par la dissolution récente de l'Assemblée nationale, a aggravé l’incertitude économique, ce qui a eu un effet domino sur le secteur du BTP. Avec un Parlement dysfonctionnel, plusieurs réformes essentielles pour le BTP sont actuellement gelées, notamment :
• L’élargissement du Prêt à Taux Zéro (PTZ) : Ce dispositif, censé faciliter l’accession à la propriété pour les ménages modestes, reste suspendu. En l’absence de cette aide, de nombreux acheteurs potentiels reportent ou abandonnent leurs projets.
• La prorogation des dispositifs Pinel : L’arrêt programmé de ce mécanisme d’incitation fiscale pour l’investissement locatif réduit l’attrait pour les logements neufs.
• La réforme de la réglementation environnementale RE2020 : Alors que le secteur réclame un report de son application pour faire face à la hausse des coûts, les débats parlementaires sont au point mort.
Les retombées politiques sont particulièrement graves : les investisseurs, tant publics que privés, adoptent une position attentiste face à l’absence de décisions claires. Le chaos parlementaire mine la confiance des acteurs économiques, aggravant le gel des projets et accentuant la récession du secteur.
La pénurie de main-d'œuvre est un autre problème structurel majeur pour le BTP. Ce secteur, qui emploie actuellement près de 1,3 million de personnes en France, fait face à des défis sans précédent pour attirer et retenir des travailleurs qualifiés.
• Départs massifs à la retraite : Un nombre croissant d’ouvriers qualifiés partent à la retraite, laissant des postes vacants.
• Manque d’attractivité : Les métiers du BTP sont souvent perçus comme physiquement exigeants, peu rémunérateurs et exposés à des risques de sécurité, ce qui dissuade les jeunes générations.
• Inadéquation des compétences : La transition énergétique impose de nouvelles compétences techniques, comme l’installation de systèmes énergétiques innovants ou la construction de bâtiments passifs, que peu de travailleurs actuels maîtrisent.
La réglementation environnementale (RE2020) et la volonté de réduire l’empreinte carbone du secteur imposent des adaptations coûteuses. Les entreprises doivent :
En revanche, ces investissements sont souvent hors de portée des petites et moyennes entreprises (PME) du secteur. Ce décalage exacerbe les inégalités entre grands groupes capables de s’adapter et petites structures fragilisées par le manque de ressources.
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Pour enrayer la crise profonde qui frappe le secteur, des mesures publiques ciblées et ambitieuses devront être mises en œuvre sans délai. Plusieurs pistes prioritaires se dessinent :
1. Retour du Prêt à Taux Zéro (PTZ) généralisé
Le PTZ constitue un outil clé pour dynamiser l’accession à la propriété, en particulier pour les primo-accédants.
• Une extension de ce dispositif à toutes les zones géographiques, y compris les zones rurales, pourrait revitaliser le marché de la construction.
• Cette mesure offrirait un levier puissant pour relancer les mises en chantier, aujourd’hui en chute libre.
2. Prolongation des dispositifs Pinel et MaPrimeRénov’
• Dispositif Pinel : En l’état, ce mécanisme devait s’éteindre progressivement à partir de 2024, mais une prolongation jusqu’à 2027 serait essentielle pour préserver l’attractivité de l’investissement locatif. Cela favoriserait la construction de logements neufs dans les zones tendues.
• MaPrimeRénov’ : En renforçant cette aide pour les rénovations énergétiques lourdes, le gouvernement pourrait simultanément soutenir le BTP et accélérer la transition énergétique.
3. Réforme de la Réglementation Environnementale (RE2020)
• La RE2020 impose des standards stricts, mais sa mise en œuvre génère des coûts élevés. Les demandes du secteur, formulées par les associations comme la FFB ou la FNTP, incluent le report de certaines échéances au-delà de 2025 et l’introduction d’un fonds d’accompagnement public pour aider les PME à financer leur mise en conformité.
L’innovation doit être au cœur des stratégies du secteur pour 2025. Plusieurs domaines d’investissement prioritaires peuvent transformer les pratiques actuelles :
1. Modélisation des Informations du Bâtiment (BIM)
• Le BIM, une technologie de modélisation 3D, permet une planification et une gestion plus efficaces des projets de construction.
• Son adoption pourrait réduire les coûts et les délais tout en limitant les erreurs. Cependant, son intégration nécessite des formations ciblées pour les équipes et des investissements initiaux conséquents.
2. Matériaux écologiques et durables
• Investir dans des matériaux à faible empreinte carbone, comme les bétons biosourcés ou les isolants naturels, permettrait au secteur de répondre aux exigences environnementales tout en limitant sa dépendance aux matières premières traditionnelles.
• Développer une filière nationale de production de ces matériaux pourrait renforcer l’autonomie stratégique du secteur et créer de nouveaux emplois.
3. Numérisation des process
• La numérisation des chantiers, via des outils comme les drones ou les capteurs IoT (Internet des Objets), projecteurs tactiles (Hub Tactile) améliorerait le suivi en temps réel des projets, la gestion des ressources et la sécurité.
• Une collaboration entre start-ups technologiques et entreprises du BTP pourrait accélérer cette transformation.
Le manque de main-d'œuvre qualifiée reste une problématique centrale pour le BTP. Une stratégie globale de formation et de recrutement est indispensable :
1. Renforcement des filières de formation
• Créer des formations spécialisées dans les nouvelles technologies et les matériaux écologiques pour répondre aux évolutions du secteur.
• Renforcer l’apprentissage et les partenariats avec les centres de formation professionnelle pour attirer les jeunes.
• Mettre en place des passerelles entre les métiers traditionnels et les nouveaux métiers liés à la transition énergétique.
2. Partenariats public-privé
• Impliquer les collectivités locales et les grandes entreprises dans des programmes de formation cofinancés.
• Par exemple, dans des régions comme la Moselle, où près de 200 postes sont vacants dans le BTP, des initiatives conjointes pourraient inclure des stages rémunérés et des contrats d’apprentissage garantis.
3. Valorisation des métiers du BTP
• Lancer une campagne nationale de communication pour redorer l’image des métiers du BTP, en insistant sur leur rôle clé dans la transition écologique et les opportunités d’évolution qu’ils offrent.
• Améliorer les conditions de travail, notamment en investissant dans la sécurité des chantiers et en modernisant les équipements.
Les perspectives pour 2025 reposent sur une combinaison d’actions publiques et privées, d’innovations technologiques et d’adaptations stratégiques. Le BTP, bien qu’en crise, possède les moyens de se réinventer pour devenir un secteur durable, attractif et résilient. Toutefois, la rapidité et la coordination des actions mises en œuvre au cours des prochains mois seront décisives pour éviter que la situation actuelle ne s’aggrave davantage.